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"L’œuvre de Florence Aellen pourrait sembler un art apollinien de la discrétion si ne surgissait pas ce qui demeure sinon caché du moins enveloppé dans le gracile de symétries. L’évidence aérienne et florale ne cesse d’être contrariée de présences intempestives et macabres. Si l’œuvre se couture de motifs poétiques sa créatrice les habille d’autres réalités qui viennent les troubler et les éloigner de l’effet premier et attendu. La créatrice déjoue les simulacres. Sous leur dépouillement  classique d’une peinture de genre « à l’anglaise » elle bouleverse la beauté du motif tout en lui conservent sa séduction. Elle oblige la rigidité du motif à se plier vers de nouvelles perspectives. Le regardeur pense s’émerveiller là où le réel et le rêve pourraient s’accorder dans un face à face ou plutôt un accord. Mais l’artiste provoque une mise à jour sous un angle sensoriel inédit : thanatos se rappelle à l’existence en se faisant presque ellipse et vanité. Il s’ancre en morceau de squelette comme symbole et résonnance d’un ailleurs qui s’insurge contre les sources perdues de la mémoire et du rêve.

Existe soudain une terrible évidence du dessin. Derrière la constellation d’éléments en attente mais sereins l’instant semblait possédé par son propre désir. Mais les éléments osseux le renvoient à l’abîme. Les diamants sertis des fleurs et insectes en ordre parfait face aux laideurs du monde ne sont plus éternels : ils deviennent le fard des illusions prêtes à trahir au moindre courant d’air. Sans y toucher la poésie florale de Florence Aellen est donc le plus subtil et pertinent exercice de lucidité devant l’hémorragie existentielle. Ronsard lui-même peut aller se rhabiller."

Jean-Paul Gavard-Perret, juin 2014





Cueillir l’Ombre

"S’inscrivant dans la tradition de la Nature Morte, Florence Aellen en revivifie les codes pour mieux saisir et retranscrire l’univers vivant. Elle déploie dans son travail une inspiration primitive, issue d’une part des planches scientifiques qui ont fait les riches heures des encyclopédistes de toutes obédiences, d’autre part de ses visites aux jardins botaniques, serres prestigieuses et autres musées glorifiant la suprématie de la science. En observant ces mises en scène de la recherche (déduction, vérification et force de loi), elle en interroge le discours édifiant. Non pour le remettre en question, mais bien pour en effriter la construction, se pencher sur les fragments produits et en rassembler les éléments épars, en vue de futurs rendez-vous sur papier.
Immergée dans sa captation d’une diversité organique, organisée, Florence Aellen saute en arrière du temps, redécouvrant son émerveillement des petits miracles débusqués, lorsque enfant elle cheminait dans la nature, accueillant chaque perception, se heurtant de front à l’épais mystère contenu en germes dans la somme de ses «pourquoi?» Dès lors, redevenue adulte, elle tente de résoudre cette équation avec des assemblages inattendus. Son organisation picturale des règnes animal et végétal s’allie tout naturellement à son obsession de la précision. Bref, elle fédère une stricte observation avec la nébuleuse de l’Imaginaire.
Tâchant de résister à la séduction du chaos originel, tout en se frayant son propre sentier de chercheuse de reliques, l’artiste partage un engagement très athéiste face à l’angoisse de la mort. Esthète du macabre non sans humour: la stricte ornementation du figé n’est pas sa tasse de thé. On peut voir autant de courage que d’inconscience, de rigueur que d’élans inouïs, de Lumière que d’Ombre dans les différents formats mis en œuvre par Florence Aellen. Et ce nouvel alphabet de signes hyper concrets nous offre l’opportunité d’accepter notre commune condition de mortels.
Oscillant entre vie et trépas, l’artiste taille dans le vif. Son sacrifice consiste à renoncer à la séparation, pour lui préférer la sublimation de l’expérience sensorielle, émotionnelle et spirituelle du vivant. «Live and let die», parce que l’achèvement d’une étape, ici celle de la toute-puissance formelle, débouche sur un monde nouveau."

Antoine Le Roy, mai 2014