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C’est à travers le graphite, mais aussi l’aquarelle, que Florence Aellen livre des natures mortes d’un réalisme et d’une justesse remarquables. L'artiste s’approprie les Vanitas et modernise le genre grâce à une maîtrise technique qui nous renvoie aux études scientifiques de Léonard de Vinci datant du XVe siècle. L’artiste examine minutieusement chaque aspect de l’anatomie humaine, mais aussi de l’entomologie, de la botanique, ou encore de la malacologie — l’étude des mollusques. Son important travail de recherches s’inspire des planches pédagogiques du XIXe siècle, où l’artiste glane des objets inanimés qu’elle dispose ensuite dans une parfaite symétrie graphique. Au-delà du caractère décoratif de la composition, les dessins de Florence Aellen interpellent par leur contenu symbolique ainsi que par la sensation ambiguë qu’ils transmettent. En effet, lorsque notre regard isole chaque élément de l’ensemble ornemental, celui-ci découvre sa composition faite de restes humains ou d'animaux. Un malaise recherché par l’artiste, qui joue entre la finesse et l’élégance de l’exécution et la représentation de symboles de mortalité évidents. Obsédée par la vie et la mort, ces memento mori — «souviens-toi que tu vas mourir» — évoquent la fragilité de toute existence et l’inexorable emprise du temps sur la vie et la matière.

A l’occasion de l’exposition Pan, Florence Aellen propose une œuvre monochrome monumentale, disposée sur un socle, évoquant le gisant du dieu grec. Les éléments végétaux et anatomiques retracent sa vie, comme des reliques, témoignant de toute l’ambiguïté de Pan et de son caractère aussi insaisissable qu’instable. Différents objets propres à la divinité viennent orner l’ensemble plastique cohérent, comme des cornes et des sabots de bouc, des organes évoquant sa masculinité ou des roseaux. Florence Aellen n’illustre pas un mythe mais plutôt les différentes facettes de Pan. Que ce soit en rapport à sa mythologie, son penchant libidineux, sa toute puissante masculinité, au récit de la poursuite de Syrinx, à la création de la flûte de Pan ou à l’épisode de la conque pour faire fuir les Titans, l’artiste nous en livre sa propre vision, entre vie et mort, plaisir et sauvagerie. Si toutefois la forme abstraite créée par l’assemblage de chaque élément, d’une parfaite symétrie, peut nous faire penser au test de Rorschach, c’est qu’il découle d’une attitude artistique où l’imagination prévaut sur la réalité. Le spectateur peut ainsi, et à son tour, percevoir le résultat à sa manière, sans se lasser d’explorer la profondeur et de reconstituer l’histoire de l’œuvre.


Célia Schiess, historienne de l’art


Emission GRRIF du 31 août 2016 à réécouter ici:
https://www.grrif.ch/actualite/vies-et-morts-de-florence-aellen-la-vivante/