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Interview pour le site myurbanplanet.ch / Novembre 2016

M.U.P : Peux-tu nous décrire ton travail ?
Florence Aellen : J’observe de vieilles planches naturalistes (botanique, malacologie, entomologie, anatomie, etc.) pour créer des compositions symétriques graphiques réalisées au graphite ou à l’aquarelle. Je dispose sur le papier des organes, des ossements, des insectes, des plantes, des fragments de nature. Je les observe attentivement et les redessine en prenant soin de les réarranger de manière assez rituelle. Je les dispose de part et d’autre du dessin comme sur une table de dissection. Les sciences naturelles (et notamment la façon dont l’homme essaie de collectionner, de classifier le vivant et de le mettre en scène) me fascinent et demeurent une source d’inspiration primordiale chez moi. J’explore les codes de présentation de ce domaine pour les réinterpréter à un niveau artistique. Mes dessins ont un caractère décoratif qui évoque de vieilles tapisseries, dont je m’inspire beaucoup, mais mon travail a surtout une portée symbolique très importante. Il parle de Vie et de Mort… C’est une réactualisation des Memento mori, présents notamment dans la peinture flamande.
M.U.P : Aurais-tu un ou plusieurs évènements clefs de ta vie d’artiste à nous faire part ?
Florence Aellen : Mon séjour à Bruxelles de mars à septembre 2013. J’avais fait une première exposition personnelle juste avant de partir, mes images cohabitaient avec le travail d’un taxidermiste. J’explorais déjà certains thèmes actuels, mais de loin. Mon travail avait un côté plus narratif. J’avais peint une image en symétrie avec des éléments naturalistes qui avait beaucoup plu. Ayant grandi dans la nature, j’ai très vite étouffé dans la capitale belge où j’avais l’impression de ne plus pouvoir me connecter à celle-ci. J’ai trouvé des substituts : le musée des sciences naturelles de Bruxelles et celui de Londres, où j’ai fait un saut, les serres de Laeken, le jardin botanique, celui de Gand aussi. Cette esthétique scientifique m’a vite fascinée. Je me suis passionnée pour les naturalistes comme Audubon et j’ai collectionné tout un tas de petites curiosités glanées çà et là, notamment des vestiges de la mer du Nord trouvées sur la plage lors de longues promenades… En rentrant, j’ai commencé à dessiner pour une exposition personnelle à Lausanne : j’ai investi cet univers et je ne l’ai plus quitté depuis. Mais si je remets la main sur les dessins que je faisais enfant, j’étais déjà obnubilée par les fleurs et les insectes… J’avais un herbier et la botanique m’intéressait déjà avant mes 10 ans. Pendant mes études, j’ai fait de nombreuses recherches sur la Mort et ses représentations, les thèmes qui peuplent mon travail sont là depuis longtemps et ne demandaient qu’à prendre une forme plus précise.
M.U.P : Comment travailles-tu ? Assise dans l’herbe ? En salle d’autopsie ? Sur la branche d’un arbre exotique ? Après un  détour par le cimetière ?
Florence Aellen : Je passe du temps à réfléchir couchée dans l’herbe, j’aime bien errer dans les cimetières, ce sont parfois de très beaux endroits (le Père Lachaise à Paris possède des gisants magnifiques, on s’y promène parfois avec un ami qui habite pas loin), j’aime me perdre dans les serres remplies de plantes exotiques et la salle d’autopsie ce sera peut-être pour plus tard. Ce sont des endroits qui participent à mes processus de réflexion, d’inspiration. Ensuite, je suis debout ou assise dans mon atelier et je dessine. Parfois avec de la musique, parfois en silence. Mon travail a un côté très méditatif : il demande de la précision, de la concentration et beaucoup de patience.
M.U.P : Pioche s'il-te-plait une image sur ton mur. Comment la vois-tu ?
Florence Aellen : J’ai 2 cartes postales juste en face de moi au-dessus de mon bureau qui résume assez bien tout ce que je viens de dire : une jungle du Douanier Rousseau, où les plantes exotiques se superposent et se mêlent à des régimes de bananes surréalistes entourant un lion qui dévore un autre animal devant une lune qui pointe (Le repas du Lion, 1907). Une peinture du XVIIème siècle, d’un artiste inconnu, vue au Kunstmuseum à Bern lors de l’exposition Six Feet Under, qui représente une allégorie du caractère éphémère de la Vie. C’est une tête de femme coupée sur un livre qui commence à se décomposer. Les chairs tombent et les insectes grouillent. On est pas loin des zombies de Walking Dead !

M.U.P : On entend quoi, là ? En fait, où sommes nous ?
Florence Aellen : On entend des bruits plutôt industriels (de machines et d’air dans les tuyaux), parfois des corbeaux sur le toit. On est dans mon atelier, situé dans une vieille usine aux champs de Boujean. L’espace est grand et lumineux, j’y ai mis des plantes et des os d’animaux. Le contexte pour moi est indispensable pour travailler, j’ai besoin de m’envelopper dans mon esthétique. C’est pareil chez moi, les gens me disent souvent que mon appartement ressemble à mes dessins ou vice versa.